Mercredi 22 janvier 2025
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Non, la viande n’est pas indispensable à la bonne santé

Paris, 23 mars 2021

Dans un article publié sur le site du journal Le Monde 27 février 2021 ( mis à jour le 4 mars), le journaliste Maxime Vaudano , explique qu’ à rebours des affirmations du ministère de l’agriculture, le consensus scientifique estime que les enfants peuvent grandir en bonne santé sans manger de la viande. Voici pourquoi. 

Manger de la viande est-il nécessaire pour être en bonne santé, en particulier pour les enfants en pleine croissance? Cette question vient de resurgir à l’occasion de la polémique sur les menus sans viande dans les cantines de Lyon.

Rappel des faits: le député macroniste Jean-Baptiste Moreau, éleveur bovin de métier, en est convaincu: «Des nutriments essentiels pour la croissance des enfants sont présents dans la viande.» Un avis partagé par le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie: «Donnons-leur simplement ce dont ils ont besoin pour bien grandir. La viande en fait partie.»

Et pourtant, le consensus scientifique dit l’inverse depuis longtemps. «Proposer des repas sans viande le midi à un enfant ne pose aucun problème d’équilibre nutritionnel, car il consommera très certainement des produits animaux à d’autres moments», rassure Benjamin Allès, chercheur au sein de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l’université Paris-XIII.

Pollué par de nombreux enjeux connexes (économie, environnement, traditions alimentaires), le débat scientifique est aussi compliqué par des confusions fréquentes entre les différents régimes végétaux, qui vont du pesco-végétarisme (qui exclut uniquement la viande) au véganisme (qui proscrit tout produit d’origine animale).

Panorama des principaux régimes


* Au sens strict, le véganisme dépasse l’alimentation : le terme désigne une exclusion plus large des produits animaux, pour les vêtements (cuir, laine) ou les cosmétiques (shampoing, dentifrice).


Or, ces différents régimes ont des conséquences bien distinctes sur la santé humaine. Car chaque catégorie d’aliments apporte une contribution plus ou moins grande aux besoins en nutriments essentiels pour la croissance des enfants et le bon fonctionnement de l’organisme des adultes.

Les apports nutritionnels des principaux aliments

1. Le régime sans viande (pesco-végétarien)

Ce régime, proposé dans les cantines de Lyon, ne présente guère de risques, à condition de rester équilibré – comme n’importe quel régime. En effet, les nutriments apportés par la viande, dont les protéines, peuvent aussi se retrouver dans la plupart des autres aliments (poisson, produits laitiers, légumes, céréales, etc.). Au début de 2020, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a d’ailleurs donné son feu vert à l’expérimentation de repas pesco-végétariens dans les cantines, jugeant « très peu probable » qu’ils puissent conduire à des carences chez les enfants.

François Mariotti, chercheur à AgroParisTech et président du comité experts « nutrition humaine » à l’Anses, explique toutefois qu’il faut rester vigilant sur le fer et le zinc, dont la viande est la principale pourvoyeuse. « Pour les enfants, la question du fer n’est pas négligeable, mais l’anémie est facilement détectable, et rarement très grave », explique le chercheur, qui rappelle que le poisson apporte aussi du fer, et qu’il est aisé de prendre des comprimés en cas de carence. « Quant au zinc, il n’y a pas de risque de carence à proprement parler : on pense juste que cela peut affecter l’immunité à long terme », poursuit François Mariotti.

2. Le régime végétarien classique (ou ovo-lacto-végétarien)

Si l’exclusion du poisson et des fruits de mer de son régime ne présente pas de problème majeur, les nutritionnistes mettent en garde contre deux risques.

Tout d’abord, un déficit en oméga-3 à longues chaînes (de type EPA et DHA). Même si on en retrouve dans l’huile et dans les noix, ces acides gras sont en effet surtout présents dans le poisson. Or, « même si on n’a pas encore assez de recul et d’études pour le prouver, un déficit de ces oméga-3 pourrait théoriquement avoir un impact sur la santé du cerveau », explique Benjamin Allès. « Il peut aussi y avoir un risque vasculaire à long terme », complète François Mariotti. La solution se trouve-t-elle dans les compléments alimentaires en oméga-3 ? « Des études sont en cours pour savoir s’ils fonctionnent vraiment efficacement comme substituts », rapporte Benjamin Allès, qui rappelle que beaucoup d’entre eux sont produits à base d’huile de poisson, et donc incompatibles avec le régime végétarien.

Une alimentation sans produits de la mer peut aussi poser un problème d’apport en iode« Cela peut provoquer des dysfonctionnements de la thyroïde », détaille François Mariotti, qui précise toutefois que les carences en iode sont très rares et présentent surtout un risque pour les femmes enceintes.

3. Le régime végétalien (ou vegan)

L’exclusion totale des produits d’origine animale est ce qui inquiète le plus les nutritionnistes. Non pas en raison de preuves scientifiques formelles sur l’effet du végétalisme sur la santé des enfants, mais de l’absence de telles preuves. « Au nom du principe de précaution, on ne peut pas recommander le régime végétalien pour tout type de population, car on manque de données de suivi à long terme, et encore plus chez les enfants », explique Benjamin Allès. Il faudra attendre la fin de 2021 pour que l’Anses se prononce, pour la première fois, sur la compatibilité du végétalisme avec les besoins nutritionnels, au regard de l’état des connaissances scientifiques.

Contrairement à une idée très répandue, la question des protéines n’est pas centrale. En effet, les protéines végétales couvrent les mêmes besoins que les protéines animales, issues de la viande ou du lait. Il faut simplement veiller à varier les aliments végétaux pour couvrir l’ensemble des besoins protéiques. « Si vous mangez des céréales au petit déjeuner et des légumineuses le soir, ça va très bien », assure François Mariotti. Dans les faits, « tout le monde couvre son besoin en protéines et en acides aminés dans la population française, même parmi les végétaliens », assure le chercheur.

Le principal problème du régime végétalien, c’est la vitamine B12, qu’on ne trouve quasiment que dans les produits d’origine animale. « Or, une carence peut provoquer de vraies maladies, comme de l’anémie, ou, bien pire, des troubles neurologiques et neuropsychiatriques », met en garde François Mariotti. C’est la raison pour laquelle les nutritionnistes recommandent aux végétaliens de prendre des compléments alimentaires contenant cette vitamine, sous la forme de comprimés.

L’exclusion des produits laitiers du régime végétalien peut également engendrer un déficit d’apport en calcium et en vitamine D. Ce qui peut poser problème aux enfants, puisque la vitamine D favorise l’absorption du calcium, qui est crucial pour solidifier les os pendant la croissance. Pour les adultes, un déficit en calcium expose à un risque d’ostéoporose et de fracture. Pour le compenser, certaines boissons végétales comme le « lait » de soja sont enrichies en calcium ou en vitamine D.

Si les risques inhérents au régime végétalien peuvent donc être le plus souvent circonscrits, les spécialistes recommandent un suivi nutritionnel régulier par un professionnel, à même de détecter d’éventuelles carences. Et rappellent que les principes de base de la nutrition doivent s’appliquer aux végétaliens comme aux autres : varier son alimentation, ne manger ni trop gras, ni trop salé, ni trop sucré, et éviter les produits ultratransformés, qui sont également très répandus sur le marché du véganisme.

Le public particulièrement fragile des nourrissons fait l’objet de recommandations particulières. L’Anses proscrit absolument leur alimentation avec des laits classiques (qu’ils soient végétaux et animaux), qui « ne permettent pas de couvrir les besoins nutritionnels très spécifiques des nourrissons de la naissance à un an ». A défaut du lait maternel, l’Anses recommande jusqu’à trois ans la consommation de laits spécifiquement préparés pour couvrir les besoins nutritionnels des enfants (lait première âge, deuxième âge ou de croissance). Ceux-ci peuvent être issus de laits animaux ou, sur prescription médicale, de protéines végétales.

4. Et la Viande ?

Manger de la viande n’est pas une garantie de bonne santé. Ainsi, «les viandes issues de l’élevage intensif peuvent avoir de moins bons apports nutritionnels», remarque Benjamin Allès. Plus grave encore: «la viande rouge augmente le risque de maladies chroniques, et peut-être celui du surpoids», explique François Mariotti. Si cet effet néfaste est documenté uniquement chez les adultes, «il est important d’imprimer à un enfant des bonnes habitudes durables le plus tôt possible», estime celui-ci. Il peut donc être risqué d’accoutumer un enfant à manger de la viande trop régulièrement, avant de lui demander de réduire sa consommation une fois adulte.

Autre écueil possible d’une consommation excessive de viande : une alimentation insuffisante en produits végétaux, qui fait courir le risque de manquer de nutriments importants comme les fibres ou les folates.

C’est sur la base de ces constats que l’Académie de nutrition et de diététique, aux Etats-Unis, a estimé, en 2016, que les végétariens et végétaliens présentaient un risque réduit de développer certaines maladies cardiaques, certains cancers, du diabète ou de l’hypertension – à condition, bien sûr, que leur régime soit équilibré.

* Au sens strict, le véganisme dépasse l’alimentation : le terme désigne une exclusion plus large des produits animaux, pour les vêtements (cuir, laine) ou les cosmétiques (shampoing, dentifrice).

Pourquoi la viande est-elle si nocive pour la planète?

Les 323 millions de tonnes de viande produites dans le monde ont un impact majeur sur le réchauffement, la déforestation et la consommation d’eau. 

Dans article publié en 2018, Gary Dagorn du même journal le monde expliquait: 

Jamais nous n’avons produit et consommé autant de viande qu’aujourd’hui. En 2017, 323 millions de tonnes ont été produites dans le monde, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Chaque année, ce sont 65 milliards d’animaux qui sont tués (soit près de 2 000 animaux… par seconde) pour finir dans nos assiettes. Une production massive qui n’est pas sans conséquences sur notre environnement.

La production de viande a dépassé 300 millions de tonnes annuelles il y a quinze ans

L’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre. 

La viande, plus que tout autre aliment, coûte cher à la planète.Le dernier rapport de la FAO, publié en 2013, estime que l’élevage de bétail dans le monde était responsable, en 2005, 

de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique, c’est-à-dire liée aux activités humaines, sur la planète : cette activité émet environ 7 milliards de tonnes de CO2 par an, soit plus que les Etats-Unis et la France réunis. La production et la transformation des aliments pour les bêtes représentent 41 % des émissions attribuées à l’élevage ; la fermentation entérique (les rots) 44 % ; et 10 % sont dues au stockage et au traitement du fumier. Le reste est attribuable au transport de la viande produite.

Toutes les viandes n’ont toutefois pas un coût égal et certaines sont plus gourmandes en ressources que d’autres. C’est le cas du bœuf ou de l’agneau, les viandes dont la production est la plus émettrice de gaz à effet de serre.

Un kilogramme de viande bovine équivaut à une émission de 27 kg de gaz à effet de serre (GES, en équivalent CO2), tandis que produire la même quantité de viande d’agneau émet 39 kg de GES. Bien loin devant le porc (12,1 kg), la dinde (10,9 kg) ou le poulet (6,9 kg).La viande bovine représente 41 % des émissions dues à l’élevage de bétail (74 % lorsqu’on prend en compte la production de lait), alors qu’elle ne représente que 22 % de la consommation totale de viande.

En comparaison, le porc, viande la plus consommée au monde (36,3 % de la consommation), ne représente «que» 9 % des émissions. Même chose pour le poulet qui, bien qu’il soit également très consommé (35,2 % de la consommation mondiale de viande), n’est responsable que de 8 % des émissions de GES attribuées à l’élevage de bétail.

Le porc et le poulet, bien que viandes moins émettrices, posent d’autres problèmes à l’environnement, dus aux élevages industriels, notamment en termes de pollution des eaux. Le régime très riche en nutriments des animaux entraîne un taux d’azote supérieur à la normale dans les eaux rejetées et peut entraîner des problèmes de santé publique autant que la prolifération indésirable d’algues et de la population microbienne des eaux, perturbant ainsi les écosystèmes marins.

Si la production de viande, combinée à celle de produits laitiers, émet la moitié des gaz à effet de serre liés à l’alimentation, elles ne représentent pourtant à elles deux que 20 % des calories ingérées au niveau mondial.La production de viande est également très consommatrice d’eau. En élevage industriel, la production d’un kilo de bœuf absorbe par exemple 13 500 litres d’eau, bien plus que pour le porc (4 600 l) et le poulet (4 100 l). C’est aussi bien plus élevé que la quantité nécessaire à la culture de céréales, telles que le riz (1 400 litres), le blé (1 200 l) ou le maïs (700 l).

Une étude parue en 2013 note que l’« empreinte eau » des Européens liée à leur alimentation pourrait baisser de 23 % à 38 % en diminuant ou supprimant la part de la viande dans les repas.L’élevage est également un gros consommateur de céréales. Près de 40 % des céréales produites et récoltées dans le monde servent directement à nourrir le bétail. Actuellement, cela représente au niveau mondial 800 millions de tonnes, soit assez pour nourrir trois milliards et demi 

d’êtres humains. Là encore, la viande de bœuf est la plus gourmande. Pour chaque kilo produit en élevage industriel, ce sont de 10 kg à 25 kg de céréales qui sont consommés.


Un investissement en production céréalière très peu rentable, puisqu’il faut de neuf à onze calories végétales pour produire une seule calorie de viande de bœuf, cinq à sept pour produire une calorie de viande de porc et trois à quatre pour le poulet.

Gourmande en eau et en céréales, la production de viande l’est aussi en terres. La FAO estime que 70 % de la surface agricole mondiale est utilisée soit pour le pâturage du bétail, soit pour la production de céréales destinées à les nourrir.

Le manque de terres agricoles pousse aussi à la déforestation : 91 % des terres « récupérées » dans la forêt amazonienne servent ainsi aux pâturages ou à la production de soja qui nourrira plus tard le bétail. Et moins de forêt, c’est moins d’émissions de dioxyde de carbone absorbées.

Une hausse de 60 % de la production d’ici à 2080

Passée de 70 millions de tonnes en 1961 à 330 millions en 2018 par l’industrialisation massive de l’élevage, qui a accompagné l’élévation du niveau de vie des pays occidentaux débutée après la seconde guerre mondiale, la production de viande devrait continuer à croître dans les décennies qui viennent, notamment dans les pays émergents. Elle pourrait atteindre au moins 524 millions de tonnes en 2080, selon les projections réalisées par la FAO, un bon de presque 60 %.En France toutefois, comme dans d’autres pays occidentaux, la consommation de viande baisse régulièrement. Là où elle représentait 23,7 % du panier alimentaire moyen des Français en 1960, la viande représente désormais 20,4 % du même panier, selon une enquête de l’Institut national de la statistique et des éetudes économiques (Insee).

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