Super électrifié sur le TGV, dévoreur d’énergie, le train régional était plutôt motorisé au diesel. Une drôle d’idée qu’il fallait corriger un jour ou l’autre. La solution pour les lignes secondaires non électrifiées: l’hydrogène. La mobilité ferroviaire avec cette énergie passe en!n au stade du projet concret. En mars 2020, la Bourgogne- Franche-Comté a annoncé son intention d’acheter trois trains régionaux à hydrogène au constructeur Alstom, devenant la première région française à oficialiser une commande de trains utilisant cette technologie sans émissions, qui permet de produire de l’électricité à bord, grâce à une pile à combustible alimentée par un réservoir d’hydrogène (H2).
Selon le journal Le Monde, chacune des rames (dites « bimodes », car elles peuvent aussi se brancher sur une caténaire, lorsque la voie est électri!ée) est composée de quatre voitures pouvant emporter
jusqu’à 220 passagers, à 160 kilomètres/heure, avec une autonomie de 400 à 600 kilomètres. Elles sont destinées à circuler sur la ligne Laroche-Migennes-Auxerre-Corbigny-Avallon, dans l’Yonne, une voie non électri!ée. Les premières circulations à titre d’expérimentation auront lieu en 2023, et les trajets commerciaux devraient démarrer en 2024.
Le constructeur français a plusieurs coups d’avance
Selon le journal « Le Monde » L’atout-clé du programme auxerrois de 8,5 millions d’euros, c’est que l’hydrogène sera produit par électrolyse (on le sépare de la molécule d’eau), à l’aide d’énergies renouvelables locales: éoliennes et barrages dans le Morvan. Une «économie circulaire de l’énergie», pour reprendre la formule de Crescent Marault, le maire (LR) d’Auxerre et président de la communauté d’agglomération, laquelle a le mérite de résoudre le principal problème environnemental de l’hydrogène. Aujourd’hui, ce gaz est extrait par «reformage» du méthane, avec un bilan carbone désastreux.
Commentaire THW: En attendant que ces beaux projets se réalisent, on pourrait aussi demander à la SNCF, une fois encore, de trouver une solution à cette politique absolue du TGV et qui a pour autre conséquence d’obliger les voyageurs à prendre leur voiture pour se rendre dans des gares excentrées, en périphérie des centre villes, et même plus loin. Un non-sens.
«Intégrer le train à hydrogène dans un écosystème vert et durable est la manière la plus vertueuse de s’approprier cette nouvelle forme de mobilité », estime Brahim Soua, responsable de la plate-forme trains régionaux chez Alstom, qui assemblera les trains dans son usine de Reichshoen (Bas-Rhin). Il faut dire que le constructeur français a plusieurs coups d’avance en la matière. Seul fabricant actuel de cette technologie dans son centre d’expertise de Tarbes (Hautes-Pyrénées), le géant ferroviaire a déjà fait rouler des trains tests en Allemagne et en Autriche, sur plus de 200 000 kilomètres, depuis 2018.
A la grande joie d’Alstom, le marché de l’hydrogène ferroviaire européen et mondial commence à frémir. Outre les pays germaniques, où le service commercial commencera en 2022, avec une quarantaine de trains déjà commandés, Alstom a signé une commande en Italie (Lombardie) pour huit trains, dont deux en option, avec un objectif de circulation commerciale en 2023. Selon M. Soua, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique, au Danemark, en Espagne, au Maroc, des clients potentiels se sont manifestés. Bien plus loin, des contacts commerciaux ont été noués en Californie et en Nouvelle-Zélande.
En Europe, il s’agit de remplacer environ 5 000 trains régionaux diesel (dont un bon millier en France et plus de 2 000 en Allemagne), d’ici à 2035. Un marché à 60 milliards d’euros au bas mot. La concurrence tente d’ailleurs de rattraper son retard. L’allemand Siemens a conclu un accord avec la Deutsche Bahn pour tester un prototype. Le suisse Stadler a vendu un train à hydrogène pour le transport de passagers, en 2024, dans le comté de San Bernardino, près de Los Angeles, en Californie.
Du côté français, les ingénieurs de la SNCF ont longtemps été sceptiques sur la traction hydrogène, pariant plutôt sur le train à batteries, ce qui explique le retard pris sur l’Allemagne. Mais un coup d’accélérateur a été donné à partir de 2018. Cette première ocialisation d’une commande de trois trains H2 s’inscrit dans le cadre d’un contrat global signé, en 2019, entre Alstom, la SNCF et quatre régions (Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Grand-Est) pour trois à quatre rames à hydrogène par région. Le contrat proprement dit pour l’acquisition de ces trains ne sera d’ailleurs vraiment signé que lorsque les trois autres exécutifs régionaux auront, dans les mois qui viennent, révélé leurs intentions, comme l’a fait, vendredi, la Bourgogne-Franche-Comté.
L’Etat, actionnaire unique de la compagnie ferroviaire nationale, est pour beaucoup dans ce tournant. Une première impulsion avait été donnée par Nicolas Hulot, quand il était ministre de la transition écologique. Le plan hydrogène de 7 milliards d’euros, dévoilé à l’automne 2020 dans le cadre du plan de relance, donne un cadre !nancier solide à ce volontarisme. Et la puissance publique y voit un intérêt !nancier : hydrogéniser les trains permet de les faire passer au tout-électrique, sans modi!cations coûteuses de l’infrastructure. Avec le projet Bourgogne-Franche-Comté, la SNCF et l’Etat s’épargnent, par exemple, l’électri!cation programmée de la portion de ligne entre Auxerre et Laroche-Migennes.